Psychologie et intuition : un duo gagnant ?

L’intuition, de mieux en mieux reconnue, est actuellement valorisée et même recommandée, avec de nombreux livres sur le sujet ou encore des « écoles de l’intuition ». Mais quand est-il vraiment scientifiquement, et est-ce compatible avec un accompagnement thérapeutique ?

  1. La psychologie se définit comme l’étude scientifique des comportements et phénomènes mentaux. Il s’agit donc d’une science incluant une logique d’études, de recherches, de relations vérifiables et reproductibles dans ce champs de connaissances.
  2. L’intuition, quant à elle, est un mode de savoirs, pensées, jugements perçu comme immédiat, c’est-à-dire sans analyse, ni raisonnement.

En cela, ces deux pratiques semblent diamétralement opposées.

Longtemps considérée comme farfelue, l’intuition est aujourd’hui intégrée dans les recherches, et les neurosciences confirment même l’existence de cette boussole intérieure.

« La capacité intuitive consiste à percevoir des éléments contextuels et à les agencer de manière adaptative pour trouver une solution nouvelle dans un programme préétabli ou dans une situation répétitive » expose Roland Jouvent, professeur de psychiatrie et directeur du centre Émotion du CNRS à la Salpêtrière, à Paris et auteur du Cerveau magicien (Ed. Odile Jacob 2002 | Article).

« L’intuition est une forme d’intelligence qui s’adapte très vite à un environnement mouvant« , définit à son tour Christophe Haag, chercheur en psychologie sociale à l’EMLyon. « C’est une sorte de “scan” de la situation qui permet de synthétiser des informations à partir de bribes d’informations sensorielles« . (article)

« Nos observations suggèrent qu’une personne qui a examiné brièvement un environnement forme des impressions qui concordent (…). Et ces impressions sont souvent pertinentes », conclue Samuel Gosling, du département de psychologie de l’université du Texas à Austin (États-Unis), en 2002.

Analyse et intuition serait donc en réalité deux fonctions cérébrales qui coexistent, mais dont l’accès est bien distinct.

Pour l’illustrer, Daniel Goleman, psychologue américain auteur de L’Intelligence émotionnelle, parle de deux « routes » cérébrales :

  • la « route haute » qui passe par des systèmes neuraux travaillant « étape par étape et non sans effort » = l’analyse.
  • la « route basse », « un circuit qui opère à notre insu, automatiquement et sans effort, à une vitesse incroyable » = l’intuition.

L’intuition est donc un procédé de décision, de même que l’analyse, mais plus automatique et direct, qu’il s’agirait également d’apprendre à écouter.

Beaucoup sont donc tentés désormais d’intégrer ce mode de savoirs plus instinctif et immédiat à leurs accompagnements thérapeutiques, longtemps laissé de côté, au profit d’une analyse rationnelle fiable.

Bien que ce procédé intuitif ait désormais fait ses preuves comme le démontrent certaines des recherches citées ci-dessus, elles proposent également d’être vigilant quant à l’utilisation de celle-ci.

En effet, notre intuition peut aussi nous tromper comme le montre le psychologue Christopher Chabris, auteur du Gorille invisible, qui alerte sur une confiance aveugle dans nos intuitions.

En conséquence de quoi, il s’agit donc plutôt d’interroger, puis de faire concorder, ces deux modes d’accès aux connaissances et aux prises de décisions, l’un après l’autre, pour obtenir un résultat le plus complet possible. Et particulièrement, dans le cadre d’accompagnement et de soins qui engage la santé mentale.

C’est personnellement de cette façon que j’ai choisi d’intégrer l’intuition dans ma pratique.

Elle permet, en complément des connaissances académiques indispensables, de faire surgir des solutions, des mots ou exemples souvent extrêmement parlants pour les patients, qui iront directement à l’essentiel pour eux, rendant l’accompagnement plus impactant, enrichissant et rapide.

« Il n’y a pas d’intuition absolue« , reconnaît Christophe Haag. « Mais les études s’accordent à dire que dans une situation critique, la prise de décision sur des bases intuitives est plus fiable que la prise de décision rationnelle, analytique. » 

Neuf décisions sur dix seraient prises sur une base intuitive estime le psychologue américain Gary Klein, pionnier dans les études sur les mécanismes de prise de décision. 82 prix Nobel sur 93 ont reconnu que leurs découvertes avaient été faites grâce à l’intuition, tout comme 53,6 % des chefs d’entreprise admettent prendre ainsi leurs décisions.

En conséquence, on se demande bien alors pourquoi l’accompagnement thérapeutique devrait-il, de son côté, être totalement exclu de ce mode de connaissance si efficient, qu’il étudie par ailleurs ?